THIERRY GANDILLOT
KERGUELEN 2021
POURQUOI LES KERGUELEN ?
Dans les archives de mon grand-père, Jean Gandillot (1895-1974),
j’ai découvert, un jour une pile d’actions de la « Compagnie Générale des Îles Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam ».
Portant la précision « Société anonyme française de colonisation », ces titres ont été émis en 1930.
Ces actions de cinq cents francs au porteur sont imprimées sur un fond rose orangé et encadrées d’une frise bleu marine dentelée.
Pourquoi les Kerguelen ? Qu’est-ce qui a bien pu pousser Jean Gandillot, maître de conférences en géologie à la Faculté des Sciences de Paris, à investir dans une société au sud du sud de l’océan Pacifique aux portes de l’Antarctique ?
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En croisant sur Internet Gandillot et Kerguelen, je tombe directement sur une entrée Wikipédia : « Le lac Gandillot est un lac français de l’île principale de l’archipel des Kerguelen dans les terres australes et antarctiques françaises ». Longitude : 69° 45’ 55’’. Latitude : 49° 30’ 00’’.
Un lac Gandillot … Des actions « Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam »…
Le mystère s’épaissit. L’enquête commence. Un travail pictural aussi.
Pour illustrer cette aventure insolite dont mon grand-père fut l’un des acteurs, j’ai utilisé la technique mixte utilisée lors de mes deux expositions pour GRK Gallery - « Surprise/Subprime » (2016) ; « Skyline Project » (2018). Sur des panneaux de bois ou des toiles de lin, j’ai mélangé une matière brute, graviers, enduit, tuile pilée, peinture acrylique, cordages … sur lesquelles j’ai collé des actions Kerguelen ou des cartes IGN au 100 000ème découpées et délavées. Une forme d’exploration personnelle d’une terre oubliée.
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Expo KERGUELEN 2021
En raison de la crise sanitaire, la date de l'exposition
n'est pas encore fixée !
Thierry Gandillot
Un engagement total
Par Eric Fottorino
Depuis trente-cinq ans que je le connais, Thierry ne cesse de me surprendre et de m’épater. Par son éclectisme. Par ses dons de traducteur des convulsions de l'époque. Par la passion qu’il met en chaque chose. Par cette agilité verbale et intellectuelle qui le mène d’un ouvrage d’économie à un thriller vaudou, d’une critique de film à l’analyse sensible d’un roman. L’écrit, la radio, la télé, Thierry est à l’aise sur tous les supports depuis toujours. Il est un journaliste comme on ne l’est plus, curieux des idées mais plus encore des humains et des soubresauts de l’époque, doué pour écouter, pour comprendre, pour ressentir, éponge magique qui se remplit sans jamais rien effacer, arpenteur du monde, conteur des temps troublés.
Gandillot, rossignol des carnages.
Quelle ne fut pas ma surprise, à l’automne 2016, de recevoir une invitation pour découvrir une exposition des œuvres de Thierry dans une galerie située à deux pas du Palais Brongniart, là où j’avais moi-même débuté comme journaliste au “Monde”, rattaché à la Corbeille. Ce fut une révélation autant qu’un choc.
Tout ce qu’il savait, tout ce qu’il avait compris de l’arène financière, tout ce qu’il avait ingurgité, assimilé, malaxé dans ses méninges pulsant un sang d’encre, tout se retrouvait là, sur de grandes toiles ou de puissants dessins, dans un chaos de couleurs et de matière, de photos et de unes de journaux froissés - les fantômes en lambeaux du “Wall Street Journal”. Comme si de la fange boursière et d‘univers défigurés, il avait extrait, non le filon de l’or, mais celui de l’art. Un art coupant, tourmenté, déchirant. Une entreprise archéologique, la mise à nu d’un drame, fragment après fragment.
En observant ces œuvres, j’ai aussitôt pensé à “L’Argent” de Zola, au financier véreux Saccard, “ aux feuilles qui soufflent la ruine”, à la beauté qui peut naître de la pourriture. Quand il représente le quartier des affaires new yorkais, ses tours vacillantes, comment ne pas penser à la destruction des Twin Towers qu’on appelait aussi World Trade Center avant que les kamikazes du
11-Septembre ne transforment les tours conquérantes en amas de cadavres et de gravats.
C’est l’image qui me vient en imaginant les gestes de Gandillot, son engagement total. Une épreuve physique pour exprimer la folie de la crise de 2008 avec tout ce qui lui tombe sous la main, crépi, plâtre, gravier, craie ou feutre. Un 11-Septembre de la finance, une Saint-Barthélemy moderne, quand toutes les règles furent bafouées, quand l’argent mena le monde à sa perte.
Sous les cendres pourtant, on sent la vie, l’ardeur, des traces de couleur qui font de l’artiste l’annonciateur, peut-être de jours meilleurs. C’est tout le mal qu’on lui souhaite, pour lui, pour nous. Même si c’est dans la crise et ses reflets que Gandillot trouve la mesure de cette grandiose et inquiétante démesure.
SKYLINE PROJECT 2018
" Figurez-vous qu'elle était debout leur ville, absolument droite. New York c'est une ville debout. "
Louis Ferdinand Céline
Pour ma première exposition «Toxic Assets» à la galerie GRK, en septembre 2016, je m’étais emparé du thème de la crise financière qui a secoué l’économie mondiale à partir de 2007.
J’avais représenté l’effondrement de Wall Street dans un cycle de peintures, de photos, de dessins et de collages. Des décombres encore fumantes, surgissaient les mots de la crise : «subprime», «stress test», «toxic assets».
Après avoir collectionné les «Une» du «Wall Street Journal», je les avais soumises à un traitement des plus violents, les noyant sous l’eau, les projections de crépi, de graviers, de peinture, de craie, de feutre, d’encre. Puis je les brûlai à l’essence de térébenthine.
Je répétai l’opération plusieurs fois jusqu’à ce que Wall Street se dissolve dans le carton ou la toile.
Pour ne laisser qu’un champ de ruines.
Délaissant le thème de la crise, je n’ai pas déserté pour autant New-York.
«Skyline Project» s’offre comme une promenade apaisée parmi les gratte-ciel de Manhattan : Chrysler Building, One57, Plazza Hotel, Comcast Building, Bank of America Tower, 8 Spruce Street, Empire State Building…
Si la technique reste la même, à peu de choses près, les ambiances sont moins tourmentées, les couleurs plus lumineuses. Sous l’empire du bleu, la balade dans cette forêt verticale de verre, d’aluminium et de béton n’en reste pas moins vertigineuse.
Surtout, sous l’amicale pression de Golan Rouchkoff, je me suis confronté aux grands formats.
«Skyline Project» en présente trois ainsi que des moyens formats, des collages et une sculpture. Stay Tuned …TG
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Toxic Assets 2016
La plus grande crise que le système capitaliste ait connu depuis 1929 a débuté au milieu de l’année 2007.
C’est allé très vite. En quelques semaines, des milliards de capitalisation boursière s’envolent en fumée. Des fonds spéculatifs ferment, les établissements prêteurs de crédits «subprime» mettent la clef sous la porte. Des files d’attente d’épargnants angoissés s’allongent devant les succursales de banques britanniques. On nationalise au pays de Margaret Thatcher.
On a d’abord cru à l’une de ces petites secousses dont la finance est coutumière, relevées par Kondradief, Juglar, Kitchin ou Kutznets. Tout reviendrait dans l’ordre dès que la crise des subprime serait réglée. Il n’en a rien été.
Au contraire, en septembre 2008, la crise s’approfondit avec la faillite de Lehman Brothers. Freddie Mac et Fannie Mae sont mises sous perfusion par l’Etat américain. Les bourses s’effondrent. L’économie mondiale est au bord du gouffre.
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C’est la panique.
Les dominos continuent de tomber les uns sur les autres jusqu’à atteindre les dettes souveraines des Etats, la Grèce en tête. L’Europe s’inquiète. Stupéfaits, les gens découvrent une réalité dont ils n’avaient même pas idée. On découvre des mots nouveaux _ «subprime», «spread », «rating», «stress test», «toxic assets» …
Journaliste et écrivain, Thierry Gandillot imagine, dès 2007, de représenter l’effondrement de Wall Street dans un cycle de peintures, de photos de dessins, de collages. Des décombres encore fumantes, surgiraient les mots de la crise. Après avoir collectionné les « Une » du Wall Street Journal, il les soumet à un traitement des plus violents : il les trempe dans l’eau, les noie sous des projections de crépi, de plâtre, de boue, de graviers, de peinture, de craie, de feutre, d’encre. Puis les brûle à l’essence de térébenthine. Il répète l’opération plusieurs fois jusqu’à ce que Wall Street se dissolve dans le carton ou la toile. Pour ne laisser qu’un champ de ruines. .
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WHO ?
Economiste de formation (Paris IX-Dauphine), lauréat de la bourse de la Fondation Journaliste Demain, Thierry Gandillot entre au Nouvel Économiste comme journaliste spécialisé en macro-économie, travaille à La Tribune, à Sciences et Vie Économie avant d’entrer au Nouvel Observateur comme grand reporter au service Economie. En 1987, il obtient une bourse du German Marshall Fund grâce à laquelle il voyage aux Etats-Unis. En 1993, il rejoint le service Culture du Nouvel Observateur jusqu’en 1996 où il est nommé rédacteur en chef des pages Culture de L’Express.
En 2006, il est nommé rédacteur en chef délégué de Challenges et chroniqueur économie à i>Télé. Il participe à l'émission « Les Décodeurs » sur Infosport+. De 2009 à 2020, ils été chef du service Culture des Échos et chroniqueur à Radio Classique depuis 2013. Il a été chroniqueur à France Culture (1993-1996),
puis à RTL (Les livres ont la parole, de 1999 à 2006).
Thierry Gandillot a publié des essais (« Le Grand Cirque Fiscal », « 1000 jours pour réussir l’Europe », « La Dernière Bataille de l’Automobile Européenne » …). Des romans (« L’héritage Windsmith », « La Chambre de Barbe-Bleue », « Câline », « Code Vaudou » «Les Locataires »…). Il a également publié « Les Coulisses de la Comédie-Française » et un livre pour enfants « La bicyclette de Chan ».
En 2012, il expose au Festival des Mots de La Charité-sur-Loire une série de toiles et de dessins inspirés par la crise financière et la chute de Wall Street –
une série commencée en 2007.
En septembre 2016, il présente "Toxic Assets" à la GRK Gallery, à Paris.
"Skyline Project" est sa deuxième exposition pour la Golan Rouzkhosh Gallery.
Il a été nommé Chevalier des Arts et Lettres en 2007.
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6, Passage Saint- Avoye 75003 Paris
Thierry Gandillot
Copyright - Crédits photos : T.Gandillot-Christophe Dugied&Jean-Christophe Dupuy - Mentions légales
Musique: Clément Sapin et Fanny Guyomard. Ce site utilise des cookies à des fins statistiques